Pourquoi aller vers les mythes pour parler des femmes et leurs représentations d’aujourd’hui ?


« le mythe est un récit qui tente de répondre soit à une question originelle sur le rapport de l’homme à la nature ou à la société, soit de justifier l’organisation sociale qui régit une communauté »

Lemoine 1987

Une mythologie de la différence

Les cosmogonies les plus anciennes, celles d’avant l’agriculture et la sédentarisation des sociétés humaines, envisagent la naissance et la vie des humains dans l’harmonie et évoquent très peu la différence des sexes comme fondement de l’ordre du cosmos. Par la suite, les sociétés ont développé un culte de la différence entre les hommes et les femmes, où se verbalisent des rapports de pouvoir souvent violents, l’homme devant contraindre la femme à son ordre.

Ce culte de la différence donne naissance à des préjugés sur lesquels reposent encore nos sociétés aujourd’hui. Dans les mythes, tout se passe comme si deux peuples différents cohabitaient sur terre, deux espèces différentes, étrangères l’une à l’autre, autant que le sont les poissons et les oiseaux. Certains philosophes, Aristote en premier, vont jusqu’à prétendre que la femme serait un homme inachevé, une espèce défectueuse et incomplète, car dépourvue de sexe apparent. Ces différences visibles de sexes, mais aussi d’yeux, de cheveux et de couleur de peau ont créé les préjugés les plus archaïques. Toujours pour Aristote, la femme, simple réceptacle pour accueillir la graine posée par l’homme, ne serait que la matière passive de la vie. Le christianisme posera carrément la question de l’existence de l’âme féminine et donc de l’appartenance ou pas de la femme à l’espèce humaine (Concile de Mâcon en 585).

Il est étonnant de constater que, quelles que soient les sociétés, les mêmes stéréotypes sont véhiculés, transformant alors les différences sexuées en inégalités au détriment de la femme. Depuis des millénaires, les mythes et les légendes réinterprétés par les religions à travers le monde véhiculent des représentations fausses sur les caractères immuables et magnifiés de ces différences.

Au travers des mythes choisis, et sans prétention aucune de faire le tour scientifique de la question, nous avons retrouvé au cœur des récits de sociétés parfois très anciennes (amérindiennes précolombiennes, africaines, japonaises, grecques et enfin chrétiennes) la banalisation du viol, la préemption par la force du pouvoir par les hommes, la force de l’éducation dans l’installation des comportements et le respect de l’ordre établi et surtout des représentations de la figure féminine qui ont parfois cours encore aujourd’hui. Si une femme est belle et séduisante, elle est dangereuse pour l’homme à moins d’être vierge et de vouloir le rester. Si une femme intervient dans l’ordre des choses, dans le cours de l’organisation sociale, elle provoque le chaos et le malheur s’abat sur terre. La femme de pouvoir est maléfique. Son esprit est faible et soumis à ses instincts et ses humeurs : mégères, hystériques, furies.

Ces récits de la différence entre femme et homme, qui s’attachent très souvent plus au visible qu’à l’invisible, sont la matrice de toutes les différences entre les êtres et la source de toutes les formes de discrimination, engendrée par la peur de l’autre et le refus de l’altérité.

Questionner l’identité sexuée c’est donc questionner l’identité profonde des êtres, le normatif et la liberté de choix de son exercice.